« Le gardien de Téhéran », de Stéphanie Pérez. L’homme qui sauva les œuvres d’art moderne dans l’empire des mollahs.

Dans chaque conflit ou chaque révolution il s’est toujours trouvé des hommes ou des femmes pour protéger des œuvres d’art menacées par des fanatiques emportés dans leur folie destructrice. On l’a vu à Kaboul, à Palmyre, à Bagdad et même à Tombouctou. Des chefs d’œuvre ont pu être épargnés grâce au dévouement de quelques-uns, guidés par la volonté de préserver un héritage.

C’est dans la révolution iranienne que nous emmène Stéphanie Pérez avec son « Gardien de Téhéran », un jeune adolescent de milieu modeste, ignorant tout de l’art contemporain mais qui se prend de passion pour les œuvres dont il a la garde au musée d’Art Moderne. Ce musée, fondé par la famille impériale les Pahlavi, abrite plus de 300 tableaux de grande valeur : des Picasso, des Gauguin, des Monet ou des toiles d’Andy Wahrol. Ces œuvres achetées avec l’argent du pétrole font la fierté de la reine Farah Diba, grande amatrice de culture occidentale.

Téhéran, 1979. Prière à l’université .(c) Ph Rochot.

Le jeune Cyrus s’est attaché à ces œuvres, mais quand éclate la révolution islamique en 1979, il se retrouve seul avec les clés de la chambre forte qui abrite ces précieux tableaux hautement cotés sur le marché mondial de l’art. Ils seront évalués à trois milliards de dollars. Les responsables de l’établissement ont pris la fuite à l’étranger. Cyrus pourrait facilement remettre les clés aux nouveaux maîtres de l’Iran, mais il décide au contraire de protéger la fabuleuse collection.  Pour les gardiens de la révolution ce sont des œuvres impies, sataniques, perverses et il faut les détruire. L’imam Khomeiny l’a d’ailleurs ordonné et cela ne se discute pas.

Le jeune Cyrus va-t-il parvenir à éloigner les forces hostiles ? L’intérêt du livre de Stéphanie Pérez est de nous maintenir en haleine jusqu’à la fin du livre tout en traversant une décennie d’histoire et de péripéties vécues par le peuple iranien dans l’empire du Shah puis dans la République islamique. Le récit des événements est fidèle à l’histoire comme le couronnement du Shah, les cérémonies du 2500ème anniversaire de la naissance de l’empire perse en 1971, l’avènement de la révolution islamique dix ans plus tard qui marqueront la vie du jeune Cyrus.

Car ne l’oublions pas, c’est une histoire vraie qui a donné naissance à ce roman. Le personnage de Cyrus existe, même si son nom a été changé et des détails de sa vie inventés pour une meilleure compréhension de la vie sociale en Iran.

Qui se souvient par exemple de la tournée à succès qu’effectua Andy Wahrol en Iran en juillet 1976 pour photographier l’impératrice Farah Diba ? « La haute société se battait pour le recevoir à un cocktail, une soirée privée. Avoir Andy comme invité, c’était le symbole du chic, de l’avant-garde » écrit Stéphanie Pérez.

Pourrait-on imaginer pareil artiste en visite aujourd’hui dans la république islamique ? Les temps ont changé mais ces œuvres, jugées si perverses et provocatrices par les mollahs iraniens ont-elles disparu pour autant des coffres du musée d’Art moderne d’Iran ? Il faut suivre pour le savoir l’itinéraire du « Gardien de Téhéran ».

Philippe Rochot

Stéphanie Perez est Grand reporter à France Télévisions depuis plus de vingt-cinq ans. Elle s’est rendue plusieurs fois en Iran et a couvert différents conflits (Irak, Syrie, ou récemment Ukraine). Elle a remporté le prix Bayeux des lycéens en 2018 et le Laurier du grand reporter en 2020 (prix Patrick-Bourrat). Le Gardien de Téhéran est son premier roman.

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