Asma Guenifi possède l’assurance tranquille de ceux qui ont surmonté l’épreuve. Elle n’a jamais accepté la mort de son frère, assassiné par des membres du Front Islamique du Salut, mais plutôt que de s’enfermer dans sa douleur elle a choisi la lutte.
A 16 ans elle adhérait déjà à l ’Association des Femmes algériennes (Le Refus) qui lutte pour le droit des femmes et le rejet de la Charia. Après les attentats du 11 septembre et pour lutter contre l’intégrisme, elle rejoignait l’association « ni putes ni soumises », avant de créer « l’Association des femmes euro-méditerranéennes contre les intégrismes»
En ce 2 avril, elle faisait salle comble dans un amphithéâtre de l’Ihedn (Anaj)
Elle définit le salafisme comme un mouvement sunnite revendiquant un retour à l’islam des origines, proche des Wahabites saoudiens et qui rejette tous les autres courants de l’islam. La grande majorité d’entre eux se présentent eux-mêmes comme salafistes. On ne peut considérer le salafiste comme un malade, mais il souffre quand-même d’une forte parano dit-elle…
Asma Guenifi va classer ainsi les salafistes en trois catégories.
– Les salafistes inoffensifs, enfermés dans leur doctrine mais pacifistes.
– Les salafistes violents, qui se définissent eux-mêmes comme cet intégriste qu’elle a rencontré : « salafo-braqueur » et fier de l’être… L’homme estimait que ses braquages étaient destinés à faire le bien sur terre et à mieux répartir les richesses.
– Les salafo-suicidaires, qui en général n’ont pas de vie sociale. L’acte du suicide va leur donner un statut. Ils auront l’impression d’avoir fait quelque chose de leur vie. Ceux qui les endoctrinent s’efforcent de leur faire croire cela. Car dans la mentalité salafiste, le corps n’est rien. Il n’a pas de légitimité ; seule l’âme en a une. Il faut donc rechercher la pureté et la mort, le martyr (chahid) permet d’atteindre cette pureté.
Paris pont des arts: 1980: Ph Rochot.
L’attitude des salafistes vis-à-vis des femmes est aussi très bien analysée par Asma Guenifi. Pour eux, la femme ne doit normalement sortir que trois fois dans sa vie : le jour de la naissance quand elles sort du ventre de sa mère, le jour de son mariage quand elle va rejoindre son époux au domicile conjugal et le jour de sa mort quand son corps est transporté au cimetière.
Pour Asma Guenifi, la frustration sexuelle pousse le salafiste à mépriser la femme. Elle est le mauvais objet. Pour cela elle doit cacher son visage comme elle doit cacher son sexe. Les bras nous en tombent quand elle raconte qu’un salafiste peut accepter de travailler seul dans un bureau avec une femme, à condition que celle-ci lui donne le sein car cela crée une relation mère-enfant et non plus une relation homme-femme, toujours suspecte…
Asma Guenifi ne parvient pourtant pas à cerner le problème des djihadistes occidentaux qui partent faire la guerre en Syrie. Certes ce sont des jeunes qui ont sans doute été écartés de la société, sans travail, sans reconnaissance, sans but et qui veulent donner un sens à leur vie mais c’est oublier qu’on compte quelques diplômés dans les rangs de Daech. Certains comportements ne sont pas compréhensibles et pas expliquables uniquement par « l’arrogance de la société ».
De même pourquoi les Jihadistes s’attaquent-ils aux autres musulmans et aux autres communautés mais ne font jamais le coup de feu contre Israël qui devrait symboliser pour eux le combat suprême ? Quel vaccin appliquer au virus du Jihadisme demande un auditeur ? Là aussi l’intervention de Asma Guenifi marque ses limites face à un problème qui nous dépasse et que notre esprit cartésien ne peut guère expliquer.
Philippe Rochot
Merci de nous présenter cette forte personnalité, de celles sur lesquelles nous pourrions compter pour contrer le pernicieux « choc des civilisations ».
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