Des photographes de guerre s’exposent sur le front de Verdun. Philippe Rochot

Patrick Baz, ancien photoreporter de guerre de l’AFP avec son meilleur souvenir : avoir retrouvé vingt ans après la trace d’une fillette sauvée d’un bombardement sur Beyrouth.

Quelques noms de reporters de guerre résonnent dans nos mémoires comme Capa, Caron ou Chauvel mais la liste est souvent limitée quand on évoque ceux qui témoignent des conflits du monde. Nous oublions les pionniers du reportage de guerre tout comme les photographes actuels qui tentent de redonner un nouveau souffle à cette discipline.

L’expo qui s’ouvre à Verdun nous présente seize photoreporters de guerre qui ont tous marqué une époque et symbolisé un conflit.

Mathew Brady 1865. Guerre de sécession. Blessé. (c) Library of Congress.

L’image numérique, simple, facile, efficace, ne doit pas nous faire oublier que les pionniers du reportage de guerre s’embarquaient sur le front avec une carriole tirée par un cheval, transportant avec eux des centaines de plaques de verre, ancêtres encombrants de la carte mémoire… Ce fut le cas de Roger Fenton, qui photographia la guerre de Crimée en 1855 et débarqua dans le port de Balakhlava avec 36 caisses de matériel, 5 appareils photo et 700 plaques de verre. Impossible de saisir une action quelconque en raison d’un temps d’exposition nécessairement trop long. Il fallait donc poser, faire des portraits, des plans de champs de bataille sans mouvements et même sans morts, donnant l’impression d’une guerre propre.


Mathew Brady qui photographia la guerre de sécession dès 1861 avec une vingtaine de ses propres photographes, inaugura la couverture d’un événement à grande échelle. Il a sa place à l’expo de Verdun.

La Grande guerre, 14-18 est le premier conflit largement couvert, par des photographes du service des armées (SPA) bien entendu, mais aussi par de simples soldats qui prennent le risque de dissimuler un appareil photo sous leur vareuse pour éterniser les souvenirs du front et montrer ces images à leur famille. En ce début de siècle, les appareils se sont miniaturisés, comme le « vest pocket » et les pellicules ont remplacé les plaques de verre.


N’importe qui peut devenir photographe s’il en a la volonté, le talent et la patience semble nous dire l’expo de Verdun…Le cas de Michel Gérald, présenté au Mémorial est celui d’un négociant en vin passionné de photo qui va saisir des scènes de la bataille de la Marne et du conflit des Dardanelles. Il a déjà le regard du reporter contemporain qui montre des blessés, des réfugiés, des morts, des champs de ruines bien composés etc…
Ces clichés sont conservés par le service photo-cinéma des armées, (ECPAD) qui fournit avec le Mémorial de Verdun les images d’archives de l’exposition.

« Le soldat de l’info » comme l’a surnommé le ministère des armées pour lequel il travaille fournit aussi des images aux médias… A consommer avec modération. Afghanistan 2010: Johann Parshell (c) ECPAD.
Les noms des milliers de photographes qui ont livré leurs témoignages sont souvent inconnus. Aujourd’hui encore, pour des raisons de sécurité le service photo des armées n’autorise pas toujours ces « soldats de l’image » à poser leur signature quand leurs reportages sont diffusés dans les médias. L’identité des photoreporters de guerre est souvent négligée dans la presse.

Jean-Claude Guillebaud, parrain de l’expo de Verdun fait remarquer : « Ces hommes et ces femmes, le grand public ignore généralement leurs noms. Si leurs photos sont parfois signées (pas toujours) c’est en caractère minuscule, dans les marges verticalement. Ces inconnus ce sont les sentinelles du désastre ».

Reporters de guerre oubliés: Brigitte Friang et Raoul Coutard: Indochine 1953 (c) ECPAD/Paul Corcuff.
Pour la période contemporaine on retrouve trois photoreporters sortis de la série de 24 portraits réalisés par Alizé Le Maoult « Ce que leurs yeux ont vu »  et qui furent exposés cet été au musée de la guerre à Meaux : Véronique de Viguerie parce qu’elle est femme, Edouard Elias car à 27 ans il est le benjamin de la série et Patrick Baz, originaire d’un pays en guerre, le Liban dont il a photographié les drames et tragédies.

Alizé Le Maoult parmi les portraits des 24 photoreporters de guerre qu’elle réalisa pour l’expo: « Ce que leurs yeux ont vu ».

Patrick Baz était reporter à l’Agence France Presse pour le Proche-Orient. Il a bouclé la boucle avec l’Irak et les révoltes arabes mais il a « décroché » de ces conflits après la révolution libyenne : trop de confrères sont tombés sous les balles. Il s’est attaché à photographier la vie des enfants durant les guerres, mais aussi à retrouver les gens, comme une forme de thérapie dit-il. Il affiche ainsi son meilleur souvenir avec l’image d’une fillette de trois mois sortie des décombres du bombardement d’un quartier chrétien de Beyrouth. Patrick a retrouvé sa trace vingt ans après et même assisté à son mariage. C’est sans doute ça le bonheur du photographe de guerre.
Philippe Rochot

« Photographes de guerre, depuis 160 ans que cherchent-ils ? ». Jusqu’au 1er octobre 2017.Exposition au mémorial de Verdun.

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