Maison Européenne de la Photo : Les trouvailles insolites de Thomas Mailaender.

« Je ne fais pas beaucoup de photos » nous confie Thomas Mailaender. Et pourtant ce créateur a investi deux étages de la Maison Européenne de la Photographie pour présenter ses œuvres. Ses images, il les copie carrément sur Internet, les réalise avec des applications marginales et inconnues du grand public ou les achète chez des brocanteurs ou sur les marchés aux puces. L’auteur aime observer les comportements humains mais plutôt que de les photographier, il préfère prendre les images que les gens réalisent par eux-mêmes.

Ses mots d’ordre : l’absurde, l’incongru, le surréel . Dans sa série « tourism extreme » Thomas Mailaender se met lui-même en valeur en se montrant en train de faire cuire un œuf au plat sur la lave bouillante d’un volcan ou même en train de surfer sur la coulée en feu. Tout cela est le résultat de la manipulation photographique qui permet aujourd’hui de se retrouver en photo dans un lieu où l’on n’a jamais mis les pieds.

Le mérite de Thomas Mailaender est de retracer des situations qui nous paraissent banales, habituelles, pour en faire un élément d’œuvre créative. Il aligne par exemple des centaines de photos de voitures accidentées prises par un agent d’assurance. Ces images, destinées à l’origine à une triste gestion administrative, prennent alors une autre dimension.

L’humour est toujours présent chez Thomas Maielaender. L’artiste a eu l’idée saugrenue d’envoyer à plusieurs reprises sa photo de mariage volontairement déchirée, à un mystérieux site internet totalement inconnu « photoretouch-India » qui se vantait de restaurer les images abîmées ou saccagées. Avec à chaque fois un commentaire sur les déboires de son couple, présenté à côté de l’image. Il expose de même la plus grande braguette du monde: six mètres de long, achetée sur un marché aux puces et provenant de la vente d’une fabrique de fermeture éclair.

Organiser pareille expo à la MEP a provoqué un vaste chamboulement au siège de l’institution dirigée par Simon Baker. Il a fallu monter dans une pièce de cet ancien hôtel particulier, un cabanon de montagne en tôle, pour servir de support à une poignée d’images. Il a fallu une grue pour transporter dans le jardin d’entrée un voilier de 8 mètres de long dont la voile sert de support à un portrait féminin.

Il a fallu transformer en labo photo éclairé par des ampoules rouges, une salle entière de la MEP où les images intégrées au mur donnent l’impression que nous sommes nous-mêmes dans un bain de révélateur fixateur qui fait apparaitre les photos…

Est-ce l’attirance vers la composition chimique des bains photo qui a poussé Thomas Maielaender à présenter en vidéo un personnage étrange surnommé « silver woman », une femme victime des ravages du nitrate d’argent, utilisé pour soigner des allergies aux Etats-Unis ? Il a utilisé ses recherches sur l’argentique et la sensibilité dans la photographie pour s’intéresser au cas de cette personne qui porte sur son visage et sa peau, les dégâts de ce composant chimique.

Les créations de ce genre se comptent par dizaines dans cette expo très osée. Thomas Mailaender n’en est pas à ses débuts. Il a déjà montré sa capacité de création au MoMA de New York, à la Tate Modern et aux Rencontres d’Arles.

Philippe Rochot

Expo Les Belles Images

Du 12 juin au 29 septembre 2024.

DID

Laisser un commentaire