Photo Montier-en-Der : l’hymne à la nature des 25 ans du festival. Ph Rochot.

« Le sauvage est à la portée de mes pantoufles. Le thème est là, à deux mètres de ma porte d’entrée, côté jardin, sur ma terrasse, sur le bord d’une fenêtre, dans la pelouse ou tout simplement dans le potager.» Ainsi parle Fabrice Audier, photographe exposant à la 25ème édition du festival de Montier-en-Der.  Ses sujets sont les escargots, les libellules, les papillons, les scarabées, tout ce petit monde qui fait partie de notre quotidien et que nous ne voyons plus.

Le machaon (c) Patrick Antzamidakis.

Patrick Antzamidakis, avec ses photos de zygènes ou de machaons les appelle « les insignifiants ». Et il explique : « Je me suis imaginé à la place des animaux, dans la situation de prise de vue de mes photos, et je me suis dit : que voient-ils ? Que perçoivent-ils ? Que ressentent-ils ? Ont-ils peur ? Comment voient-ils leur environnement ? Hostile, accueillant, immense, petit ? »

Le martin pêcheur. (c) Boun Cang. 

Oubliés pour un temps les grizzlis d’Alaska qui avalent les saumons remontant les torrents, la migration des gnous sur la rivière Mara ou la maman ours blanc câlinant son ourson sur la banquise… La photo animalière se tourne de plus en plus vers l’image de proximité. Le photographe Boun Cang présente ainsi Les oiseaux de nos campagnes, comme le martin pêcheur, observant sa vie et son comportement sur les nombreux étangs de France.

Migration des grues au lac du Der. (c) Fabrice Cahez.

Le festival photo de Montier se déroule précisément en bordure du lac du Der, retenue artificielle mais site de migration des grues cendrées. En cette période de l’année, elles migrent vers le sud et font étape par centaines de milliers sur ses rives. Une expo sur ce thème s’imposait. Fabrice Cahez a guetté ainsi leur envol au lever du jour. Pas facile car l’oiseau est craintif. Et la concurrence est rude. Chaque matin et chaque soir, des centaines de photographes sortis des tentes ou des caravanes occupent les spots pour saisir cet instant magique.

Le Gypaete, vautour de nos montagnes. (c) Flavien Luc.

La photographie de nature prend de plus en plus une dimension artistique. De nombreux photographes se présentent d‘ailleurs comme « artistes » sur les réseaux sociaux. Et il faut reconnaître que leurs images dépassent souvent la simple restitution d’une réalité pour nous guider vers un autre univers.

Je pense à Emmanuel Boitier avec ses Sentinelles du silence. (photo) Son cadre c’est l’Auvergne ; ses sujets les arbres, ceux qui se distinguent dans le froid, le givre, la brume, pliant sous le poids de la neige dans une ambiance glaciale. « Dans les montagnes d’Auvergne dit l’auteur, comme dans bon nombre de montagnes d’altitude moyenne, l’hiver s’étiole et la neige disparaît peu à peu. Photographier ces arbres sculptés de neige et de givre n’est aujourd’hui plus seulement un hommage, cela devient aussi un témoignage. »

Minnesota: bisons de Jim Brandenburg. Sa série s’intitule « Derrière chez moi »…

D’autres ont fait de la nuit leurs instants préférés. La montée en ISO grâce aux capteurs performants des appareils photo, le permet, sans altérer la définition de l’image. Laurent Fiol photographie essentiellement de nuit et là encore dans une nature de proximité : fleurs, champignons, papillons, odonates, mantes religieuses, diablotins, éphémères, ascalaphes, araignées…

On peut citer de même le travail de Cathy Bernot avec ses paysages en flou, ses brouillards et ses contre jours, autant de ckichés saisis dans le mouvement comme cette image du Cap Gris Nez.

On avait remarqué l’œuvre de Jean-Michel Lenoir sur l’Aubrac, au festival éponyme qui se tenait en septembre dernier. On retrouve l’auteur à Montier avec son thème Evanescence. Il se dit « à la recherche des lumières d’exception » dans la vie sauvage et il nous livre un travail d’une grande sensibilité et d’un bel esthétisme.

Paysage d’Aubrac. (c) Jean-Michel Lenoir.

On notera aussi la série de Jean Philippe et Leopold Bouveret qui parviennent à saisir l’image de lièvres blancs sur la neige blanche et nous font vivre l’hiver écossais. Dans la série toujours plus loin et plus profond dans les fonds marins, Pascal Kobeh nous guide dans son univers de squales et de raies. On connaissait le requin blanc et le requin marteau ; Kobeh nous présente le requin taureau, repéré sur le site de plongée d’Aliwal Shoal en Afrique du sud…

Requins taureaux de Pascal Kobeh

Montier se veut aussi une rencontre où s’étalent des portraits des peuples du monde. Benoit Féron et Anne Françoise Tasnier qui nous ont habitués à d’impressionnants visage saisis sur le continent africain, seront là avec les Mundaris, peuples pasteurs du Sud-Soudan, déjà présentés au festival Phot’Aubrac, remarquable travail de portraits et de scènes de vie.

Les Mundaris du Sud Soudan : (c) Benoit Féron.

La grace de l’âge. Les Mundaris. (c) Anne-Françoise Tasnier.

Sur le thème « peuples du monde » la série de Francis Latreille intitulée Peuples des glaces nous montre les changements de mode de vie des populations du grand nord, perturbées par le réchauffement climatique : images déjà vues mais toujours étonnantes des Nénètses qui ne peuvent plus faire brouter leurs rennes.

Les Nénètses, peuples des glaces. (c) Franis Latreille.

Un festival de photo de nature doit-il présenter des aquarelles de paysages ou des sculptures d’animaux ? On peut en douter. Ce genre d’œuvres est présent à Montier et le débat reste ouvert sur cette opportunité. On appréciera pourtant cette mise en parallèle du dessin et de la photo, réalisée par le photographe animalier Tony Crocetta et le dessinateur-graphiste Marcello Pettineo. Ils se sont associés pour une série sur l’Afrique sauvage qui apparaît comme une réussite.

L’alliance de la photo et du dessin. (c) Tony Crocetta et Marcello Patineo.

Le grand parrain de ce 25ème anniversaire du festival de Montier-en-Der, est cette année Steve McCurry qui vient de remporter un franc succès à Paris avec une étonnante exposition au musée Maillol à Paris, nous présentant son monde d’images fait d’Afghanistan, d’Irak, d’Inde, d’Amériques. La vie animalière transparaît souvent dans ses photos de reportage mais son monde reste profondément humain tel que la 25ème édition du festival de Montier entend le montrer cette année encore pour aller au-delà de la simple photo animalière.

Philippe Rochot

Chameaux et puits de pétrole en flamme durant la guerre du Koweit de 1991. (c) Steve McCurry.


Lac de la forêt d’Orient: l’envol des grues cendrées : (c) Ph Rochot. 20 novembre 2022.

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