Il faut imaginer un homme portant la gandoura et un cheiche blanc qui lui enveloppe la tête. On ne voit que ses yeux. Dans ces tribus, on dissimule souvent son visage, surtout face à un étranger. Quand l’homme soulèvera comme chaque matin la toile qui protège l’entrée de la cachette où est détenu Olivier Dubois en ce 22 août 2022, notre ami journaliste otage saura qu’il entame le 500ème jour de sa captivité. Et il le marquera d’une pierre noire, comme on le fait aussi pour lui.

Le soutien de Le François, commune de Martinique d’où est originaire Olivier Dubois. (Capture écran Site #FreeOlivierDubois. FB.)
Il est clair qu’Olivier compte les jours et les nuits. Un détenu cherche toujours à garder la notion du temps. C’est le seul moyen pour lui de se rattacher à la vie. A la différence d’un prisonnier qui peut se réfugier dans le compte à rebours le séparant de sa libération, un otage ne sait pas quand il va sortir. Il peut juste faire l’addition des journées sans âme qui rythment sa survie.
Les ravisseurs ont sans doute confisqué à Olivier les instruments lui permettant de se repérer dans le temps : sa montre, son portable, son ordinateur. Mais il a su trouver le moyen de compter les jours avec quelques cailloux, des marques sur un mur ou sur la terre, des bâtonnets, pour arriver à ce total de 500 jours.
Quand j’étais otage au Liban, en 1986 (avec Normandin, Hansen, Cornéa) nous comptions les jours avec de la cendre d’allumettes écrasée sur du papier journal jusqu’au moment où nos gardiens ont découvert la combine et cru qu’on rédigeait des messages codés.
Car la paranoïa est bien le propre des preneurs d’otages. Olivier n’échappe sûrement pas à cet obstacle face à ces hommes qui se réclament du GSIM (groupe de Soutien à l’Islam et aux Musulman) lié à El Qaïda. La méfiance s’est emparée de ses ravisseurs qui redoutent l’embuscade de soldats maliens, de mercenaires russes, les survols de drones, la présence de traitres ou d’espions dans leurs rangs… D’où la difficulté d’engager une médiation ou des négociations. Y a-t-il d’ailleurs quelque chose à négocier ? Les preneurs d’otages gardent souvent leur proie en réserve, attendant l’instant favorable pour un échange, une rançon ou des concessions politiques.

Dans un quartier de Bamako, le portrait d’Olivier Dubois. (site FB)
Aujourd’hui, notre pays n’est plus en odeur de sainteté à Bamako avec le nouveau pouvoir militaire. L’armée française s’est retirée du Mali, se coupant en partie d’éventuels contacts, officiels ou clandestins, permettant d’entretenir un lien, même ténu avec ces groupes armés. La suspension de Radio France International sur le pays isole un peu plus l’otage français qui pouvait jusque là recevoir quelques bribes d’informations et se rassurer en pensant qu’il n’était pas oublié.
Olivier Dubois a-t-il eu écho des initiatives de soutien prises en France ces derniers temps ? Son portrait projeté sur un mur du Panthéon, les cartes postales adressées à Emmanuel Macron demandant sa libération, à l’initiative de sa famille, la mobilisation de la commune de François en Martinique, les actions du comité de soutien ou celles de SOS otages ? On peut le penser. Parmi les ravisseurs on trouve toujours quelques individus plus bavards que les autres qui auront pu lui dire: « On a parlé de toi à la radio et sur internet ».

Le portrait d’Olivier Dubois, projeté sur un mur du Panthéon.
Les autorités françaises affirment qu’il n’est pas oublié, que son sort demeure une préoccupation quotidienne mais que la discrétion est de mise pour ne pas compromettre la négociation. Ceux qui savent ne parlent pas et ceux qui parlent n’ont rien à dire… Dans tous les cas de figure l’opinion ne doit pas l’oublier.
Les initiatives, limitées mais sincères, pour ce 500ème jour de détention, sont une façon de rappeler qu’Olivier Dubois était parti à Gao pour essayer de nous informer sur la situation dans la région, l’impact des mouvements djihadistes, la mentalité de leurs chefs et l’état d’esprit des populations.
A l’heure d’internet qui permet sans doute aux ravisseurs et à leurs chefs de voir ce que disent les médias français, il faut aussi faire passer le message suivant : les preneurs d’otages se sont trompés. Olivier était parti à Gao pour faire des reportages constructifs sur le Mali, expliquer à l’opinion française la cause de ceux là-mêmes qui l’ont capturé. Le réduire au silence est une erreur. Olivier Dubois est plus utile pour ce pays déchiré en continuant de faire son métier, que bâillonné et privé de liberté.

Le soutien de Pierre Legrand, ex otage au Mali, avec Martine Gauffeny de l’association SOS otages lors du festival des vieux gréments de Paimpol.
Il est pénible de compter les jours et les mois quand on est otage, mais il est encore plus dur de voir passer les saisons, toujours extrêmes au Sahel : glacial l’hiver, écrasant de chaleur l’été. Deux étés déjà pour Olivier Dubois. Et toujours pas de réponse à la question : quand va-t-il sortir de là ?
On pourrait se rassurer en se disant : ce sont les premières semaines les plus difficiles à passer pour un otage ; ensuite, il apprend à gérer sa vie, à connaitre le comportement de ses ravisseurs, à jouer sur leurs contradictions. Mais c’est oublier qu’à mesure que le temps passe, l’otage s’enfonce dans un autre monde, coupé de sa famille, de ses proches, de ses amis, de sa profession et que la réalité sera d’autant plus difficile à vivre quand il reviendra parmi nous.
Philippe Rochot
superbes mots Merci Philippe .. on espère que bientôt Olivier descendra d’une passerelle d’avion, des pensées pour lui et pour les siens, Que peut on faire, à part écrire, écrire à ceux qui nous gouvernent, prier pour qu’Olivier revienne. Vos mots sont très émouvants j’espère que beaucoup les liront et que Dieu se penchera sur celui qui attend depuis 500 jours de revivre.
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Ceux qui soutiennent les grandes valeurs de la démocraties devraient regarder cet homme dans les yeux. Des grands mots peu d’action, lui il souffre nous on pavoise
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