Dès l’entrée, l’exposition « Juifs d’Orient » semble manquer d’envergure si on la compare à « Merveilles d’Arabie » qui a remporté un plein succès l’automne dernier. Mais l’impression se dissipe quand on va plus loin. C’est précisément à l’Arabie que se réfère une série d’images animées qui nous font pénétrer dans la vie des juifs au temps du prophète Mahomet, au 7ème siècle, à Yathrib, la future ville sainte de Médine. L’histoire retrace la bataille de Khaybar qui opposa le prophète Mahomet et ses fidèles musulmans, aux juifs qui vivaient dans cette oasis du Hedjaz.

Jeune fille et enfants juifs de Damas: 1835.( Charles Lallemand : collection Pierre de Gigord)
Il serait faux de croire que les rapports entre juifs et musulmans ont toujours été conflictuels. L’exposition, avec plus de 280 pièces de collection, nous montre à quel point chaque civilisation a pu apporter ses richesses à l’autre. Les communautés juives ont toujours su dialoguer avec les autres cultures qu’elles ont côtoyées : romaine, byzantine, arabe, ibérique, ottomane.

Abraham et Sarah Hassoune . Algérie 1904. (Musée d’art du judaïsme).
Du 7ème siècle au 15ème siècle, la majorité des populations juives vivait dans le monde musulman et les juifs parlaient l’arabe. Ils consacraient 150 jours par an aux fêtes religieuses, d’où le soin qu’ils apportaient à la fabrication des objets de culte, comme ces coffres de Thora en argent, exposés à l’Institut du Monde Arabe.

Syrie, synagogue de Alep (Carte postale)
Les juifs n’ont pas de problèmes avec la représentation humaine, ce qui nous vaut des témoignages et des portraits de leur vie au 19ème siècle dans le monde arabo-musulman.

Princesse Mathilde, juive d’Alger, du peintre Eugène Giraud (1866).
Des photos témoignent des tensions, notamment en Algérie à l’époque coloniale. Quand un décret, le décret Crémieux, accorde la nationalité française aux juifs d’Algérie, les populations musulmanes protestent car elles n’ont pas obtenu les mêmes droits. Pareille mesure va contribuer à la montée de l’antisémitisme et déclencher des affrontements, comme à Constantine en août 1934.

Emeutes de Constantine: été 1934.
L’expo « Juifs d’Orient » fouille surtout dans le passé et peu dans la période contemporaine. On appréciera pourtant de voir dans un film d’archives, ce que fut la Naqba (le désastre), l’exode de 700 000 Palestiniens après la proclamation de l’état d’Israël en mai 1948. On retiendra de même les photos de l’opération clandestine baptisée « tapis volant » qui transporta vers Israël plus de 50 000 juifs yéménites dans les années 1950 et jusqu’en 2016, pour les sauver de la guerre civile. Il resterait aujourd’hui une cinquantaine de juifs au Yémen, repliés sur Sanaa.

Opération « Tapis volant »: juifs yéménites en vol vers la terre promise.
Que reste t-il aujourd’hui des communautés juives dans le monde arabo-musulman ? Le commissaire de l’expo, Benjamin Stora balaye la question par cette phrase : « la plupart des communautés juives ont disparu des terres d’Orient depuis le 20ème siècle. »

David Zabari, juif yéménite lisant un livre saint dans sa demeure de Saada. 1998. (c) Naftali Hilger.
Benjamin Stora, historien, spécialiste de l’Afrique du nord et de l’empire colonial français, rappelle quand même que dans le monde arabe, le Maroc demeure le seul pays où vivent encore plusieurs milliers de juifs et où la mémoire des communautés a perduré.

Maroc, Fès: le quartier juif ou mellah.
Des photos anciennes montrent les quartiers juifs, les mellahs, séparés des quartiers musulmans par de hautes murailles, mais situés néanmoins près du siège du pouvoir afin de leur accorder protection. Le mellah de Fès est considéré comme le plus ancien. Il date de 1438.

Femmes juives du Maroc : portraits de Jean Besancenot vers 1935.
De l’exposition « Juifs d’Orient », on retiendra surtout l’imbrication entre les deux cultures, arabes et juives. Des séquences filmées nous montrent à quel point la musique dans la communauté juive est emprunte de certains rythmes, accents et intonations de la musique arabe. On voit aussi comment les émigrants yéménites ont intégré leur culture musicale et leurs danses aux rythmes contemporains. Et tout cela est dû sans doute aux facilités d’intégration des communautés juives qui ont pu s’adapter, en une ou deux générations, à la vie en Israël et dans les pays d’accueil.
Philippe Rochot

Très belle relation d’une exposition indispensable pour atténuer des tensions actuelles entre 2 religions assez voisines.
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Merci beaucoup !
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Merci Philippe pour ce beau texte,je vais y aller
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Merci Philippe, bonne visite !
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Merci d’avoir écrit cet article, moi qui ne pourrais pas aller la voir. Merci du partage 🙂
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Merci Patricia, bonne semaine !
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exaordinaire document sur 6 réflexions sur “Juifs d’Orient : de l’Euphrate à l’Atlas. Cela donne encore plus envie de connaître encore plus d’histoire; Je suis très passionnée du passé, de la montagne, de l’avenir de la montagne et des glaciers. Je sais que vous avez également fait des reportages dans mes alpes natales : le PELVOUX, la CLAREE. Bonnes fêtes ; Merci pour tout
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Merci beaucoup, c’est très aimable. Très flatté. Oui je fréquente pas mal les Hautes-Alpes, mon terrain de jeu aux Ecrins… Bonnes fêtes de fin d’année. PR
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