« L’Orient en Grand » : Les nouveaux espaces de l’agence photo Roger Viollet.

La seule évocation du nom de Roger Viollet nous fait plonger dans l’odeur tenace du révélateur et pénétrer dans l’univers du document sépia. L’agence d’images qui a dépassé les 120 ans d’existence, s’invite encore dans nos mémoires avec des photos du début du siècle dernier, froissées, jaunies par les années mais bien réelles. On y retrouve ainsi la vie au temps du Front populaire, l’animation des Halles de Paris, la guerre civile espagnole, les réfugiés etc.

Sahara: 1900. (c) Roger Viollet.

Aujourd’hui l’agence a fait peau neuve et ouvre ses espaces, ses rayons, ses classeurs. Elle expose ses tirages dans ses éternels locaux de la rue de Seine, repeints en vert d’origine et les propose même à la vente.

L’exposition « L’Orient en Grand » attire notre curiosité : 50 tirages en format panoramique, représentant des scènes de vie au Maroc, en Algérie, en Egypte ou au Sahara. Ces photos, noir et blanc comme il se doit, ont été prises au début du XXème siècle alors que l’Orient est à la mode et la soif de découvertes d’autres contrées bien présente chez les Français.

L’agence s’appelle à cette époque « Léon et Lévy ». Les opérateurs parcourent le désert, les pistes, les cités poussiéreuses avec des appareils photos pesant plus de 30 kilos auquel il faut ajouter un trépied de plus d’1m 50. C’est le cas de la chambre 16×42 qui donne ces images panoramiques où la longueur est trois fois plus importante que la hauteur.

Marrakech vers 1900. (c) Roger Viollet.

Les photographes saisissent ainsi l’harmonie et la poésie du désert qu’ils traduisent par des images très composées. Ils font par exemple poser trois méharistes sur leurs chameaux dans un paysage de dunes sahariennes. A Marrakech, ils s’installent en haut d’un minaret pour cadrer la foule marocaine en burnous blanc. Ils parviennent à convaincre des femmes algériennes de se couvrir de leur parure pour poser devant l’objectif. Ils éternisent les pyramides d’Egypte vides de touristes à cette époque.

Tous ces clichés plaisent à un public avide de voyages et d’exotisme. Les images de ce genre se retrouvent en général sous forme de cartes postales ou dans des albums photos qui se vendent très bien.

Marrakech vers 1900 / Photo Roger Viollet.

Mais où ont donc dormi ces négatifs durant plus d’un siècle ? En 1970, l’agence Roger Viollet a racheté le fonds Léon et Lévy composé d’archives constituées entre 1864 à 1917. Les négatifs sur plaques de verre sont aujourd’hui conservés à la Bibliothèque historique de la Ville de Paris. Ils n’en sortiront plus. Ils ont été scannés en HD et tirés dans ce format panoramique allongé qui fait le charme de ce genre de prise de vue. Ce que nous voyons à la galerie n’est donc pas du tirage en labo mais du tirage de scann.

L’Egypte vers 1900. (c) Roger Viollet.

L’expo « L’Orient en Grand » est l’aboutissement d’un long parcours. Les fondateurs de l’agence Roger Viollet ont légué les collections à la Ville de Paris, puis la Parisienne de Photographie a été créée pour gérer les archives Roger-Viollet et en assurer la reproduction numérique. Elle a permis de traiter près d’un million de supports. Et parmi eux, ces négatifs de l’exposition « L’Orient en Grand »

En 2021, quelles images les opérateurs de la maison Léon et Lévy auraient ils eu l’idée de saisir ? Encore les pyramides d’Egypte avec cette fois touristes et marchands du temple ? Les souks de Marrakech qui ont perdu de leur superbe avec la crise du Covid ? Non, je les imagine plutôt en Ansel Adams modernes guettant les beautés de la nature, les ciels d’orage sur les Alpes, les brumes sur les monts Aubrac, les tempêtes sur les îles anglo-normandes, mais avec la constante qui fait le charme de ces images: le noir et blanc.

Philippe Rochot

L’Orient en Grand, une épopée photographique au format panoramique. Galerie Roger Viollet, du 7 octobre 2021 au 8 janvier 2022.

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