Congo en mode Covid: un oeil sur la série « Congo in conversation » lauréate du Prix Carmignac.

Musées fermés mais expos de rue ouvertes : les photos XL du prix Carmignac de photoreportage sont restées accrochées jusqu’à fin janvier sur les grilles du Square de la Tour Saint-Jacques, Paris 4ème mais on les retrouve facilement ici.

Le Congo, c’est l’Afrique qui bouge, qui bouillonne, danse, manifeste, lutte et déborde d’idées. C’est le plus vaste pays du continent noir, l’un des plus riches en minerais alors que la population vit en majorité dans la misère. Le régime s’est attribué une étiquette démocratique mais il est rongé par la corruption, les inégalités, menacé en permanence par des guérillas aux idéaux obscurs et un système de santé fragile.

« Comment allons-nous combattre le Covid sans eau » disent les pancartes de ces manifestants de Goma. Photo de Pamela Tulizo.


Le pays vient d’affronter pendant deux décennies le virus Ebola et doit faire face à présent à la Covid-19 avec peu de moyens. Les mesures sanitaires sont strictes, autoritaires mais la jeunesse congolaise n’entend pas s’arrêter de vivre. Comparé à de nombreux pays d’Europe et d’Amérique, le Congo s’en tire plutôt bien jusque là avec quelques centaines de morts.

Le roi Léopold a tué 15 millions de Congolais dit cet homme lors d’une manifestation à Bruxelles en faveur du mouvement « Black Lives Matter ». Le traumatisme colonial reste très présent au Congo et ce chiffre des victimes du colonialisme est régulièrement avancé. Photo de Pamela Tulizo pour Prix Carmignac.


Fort de ses vingt ans d’Afrique, le photographe canadien Finbarr O’Reilly s’était lancé dans un projet de reportage au Congo pour la fondation Carmignac mais les restrictions de circulation, les contraintes sanitaires, la fermeture des frontières l’ont poussé à revoir sa copie. Il a transformé son propre reportage en travail de groupe, faisant appel au regard d’une dizaine de jeunes photoreporters congolais qui documentent les défis du pays durant cette pandémie. C’est une réussite qui lui vaut, avec ses confrères congolais, le prix Carmignac du photojournalisme. Démarche méritante : ça n’est pas le blanc qui réalise les images mais l’habitant, le citoyen du pays avec son regard et sa sensibilité, l’étranger étant là pour coordonner l’action des reporters congolais.

La statue équestre de Léopold II, repliée dans une zone militaire sur une colline de Kinshasa mais néanmoins taguée. Le roi des Belges avait fait du Congo sa propriété personnelle et réduit à l’esclavage une bonne partie de la population. Photo de Justin Makangara et Pamela Tulizo.


Le lauréat du Prix Carmignac reproche aux médias étrangers d’avoir marqué ce pays « du sceau de la violence et de la brutalité ». Il veut « permettre aux journalistes congolais de prendre part au discours mondial dont leurs idées et leurs points de vue ont été trop souvent exclus. »

Finbarr O’Reilly a divisé le travail des jeunes photographes en sept thèmes précis : la vie, la santé, l’accès à l’eau potable, l’électricité, l’environnement, la sécurité et la décolonisation. Le résultat est assez étonnant : travail très professionnel, regards offensifs mais sans excès, sincères et souvent bon enfant avec une bonne recherche de l’expression humaine. Les reportages ont fait le tour du net et une partie se retrouve par bonheur exposée à Paris, aux pieds de la Tour Saint-Jacques : les images dibon grand format donnent de la couleur à la rue de Rivoli et le passant s’y attarde facilement.

Bunia, RDC, 4 septembre 2020. Plus de 100 miliciens lourdement armés du mouvement rebelle Codeco (secte politico religieuse) ont créé la panique en faisant intrusion dans le chef-lieu de l’Ituri. Photo de Dieudonné Dirole pour la Fondation Carmignac.


Le Prix Carmignac du photojournalisme créé en 2009 a sans doute quelque avenir grâce à des choix bien ciblés. En 2018 il récompensait le photographe Yuri Kozyrev pour une série sur les conséquences désastreuses du réchauffement climatique en Arctique et en 2019 il primait l’Italien Tommaso Protti pour son sujet sur les dévastations de la forêt amazonienne.

Réhabiliter le cheveu naturel face au cheveu synthétique. Ce mouvement a pris de l’ampleur lors des manifestations pour la justice et l’émancipation raciale liée à Black Lives Matter. Beaucoup de Congolaises ont abandonné leurs dangereuses crèmes éclaircissantes et opté pour des coiffures congolaises traditionnelles. Photo de Raïssa Kamara Rwizibuka.

Photo de Raïssa Kamara Rwizibuka pour fondation Carmignac.

Les « Sapeurs », autrement dit les adeptes de la SAPE (Société des Ambianceurs et Personnes Elégantes.) Le mouvement est né durant la période coloniale lorsque les soldats congolais de retour d’Europe après la Seconde Guerre mondiale ont rapporté avec eux les dernières modes parisiennes. Il s’agit plutôt de caricaturer la mode occidentale. Photo de Raissa Karama Rwizibuka (pour fondation Carmignac)

Photo de Raissa Karama Rwizibuka (pour fondation Carmignac).

Photo de Arlette Bazshizi représentant sa soeur faisant ses devoirs à la lueur de son smartphone en raison des pannes d’électricité très fréquentes. 

Des millions d’habitants de la région du Kivu dépendent entièrement du charbon de bois, souvent exploité illégalement, pour cuire leurs repas. Parc national des Virunga, RDC, décembre 2020. Transport du charbon de bois sur le marché rural de Kulupango à Goma ( Nord-Kivu.) Photo de Guerchom Ndebo pour la Fondation Carmignac.

Goma: centre social: photo de Ley Uwera pour fondation Carmignac.

Lutte contre le virus Ebola : décès d’un jeune garçon à Rutshuru. février 2020. Photo de Finbarr O’Reilly pour fondation Carmignac.

Bukavu : juin 2020. Ces trois femmes font le salut des « Black Power » pour marquer l’anniversaire de l’indépendance du Congo. Photo de Raissa Karama Rwizibuka (Pour fondation Carmignac).

 

Philippe Rochot

Expo jusqu’au 27 janvier.

5 réflexions sur “Congo en mode Covid: un oeil sur la série « Congo in conversation » lauréate du Prix Carmignac.

  1. J’ai cherché les photos de l’expo Congo in conversation sur les grilles de la tour st Jacques à Paris, hier 22 janvier 2021, tous les journaux indiquent qu’elles se trouvent là-bas : il n’y a rien du tout ! Merci de m’expliquer…

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