Les Chinois sous l’Everest : les tunnels de l’Himalaya. Philippe Rochot

Voilà plus d’un an que les experts et ingénieurs chinois planchent sur un projet de liaison ferroviaire entre Lhassa, la capitale du Tibet et Kathmandou, la capitale du Népal. Il s’agit là d’un prolongement naturel de l’itinéraire du « train du Tibet » qui relie Pékin à Lhassa depuis plus de dix ans et dont les croquis traînaient dans les cartons.

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Entre Tibet et Népal, la barrière naturelle de l’Himalaya. Daulaghiri. (Photo Ph.  Rochot)

En 2020, le chemin de fer du toit du monde qui franchit déjà des altitudes supérieures à 5000 mètres aura gagné la frontière népalaise. Il devra passer par le mont Everest et il faudra donc percer d’immenses tunnels qui seront sans doute qualifiés par les autorités chinoises de « plus longs tunnels du monde » car ils atteindront facilement une cinquantaine de km, battant ainsi le record des Suisses…

L’intérêt d’une liaison aussi acrobatique est certes touristique, mais avant tout économique et stratégique. Le développement du Népal est très dépendant des importations chinoises de toutes sortes qui inondent Kathmandou alors que le Népal exporte très peu vers la Chine. Mais sur le plan sécuritaire, c’est un pays clé et Pékin a toujours gardé un œil attentif sur ce territoire enclavé qui lui ouvre les portes du continent indien.

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En pointillé, l’itinéraire du train du Tibet;, de Lhassa à Kathmandou.
La Chine compte également sur la police et l’armée népalaise pour faire barrage à l’exode des populations tibétaines et faire revenir dans la mère patrie chinoise, les Tibétains qui auraient pu franchir le col de Nampa afin de gagner clandestinement le Népal. De la même façon que la Chine avance ses pions sur les ilots proches de Taiwan, du Vietnam ou des Philippines, elle développe ses réalisations vers les pays voisins de l’Himalaya, le Népal et l’Inde, marquant ainsi son nouveau territoire et ses zones d’influence.

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Le train du Tibet: Pékin-Lhassa en 48h. Et bientôt Kathmandou..(Ph Rochot)

Mais ce chemin de fer du toit du monde représentera  aussi une victoire pour l’empire rouge qui a toujours entretenu des relations ambiguës avec cette montagne de 8865 mètres d’altitude, baptisée Chomolongma (déesse de l’univers) par les Tibétains. Pareille réalisation sera une revanche face à l’occident. Car dans la course au plus haut sommet de la planète, les Chinois ont piétiné sept ans derrière l’alpiniste néo-zélandais Edmund Hillary et le sherpa Tenzing, vainqueurs de l’Everest en 1953 par le versant népalais, avant d’atteindre à leur tour le toit du monde.

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Expédition chinoise à l’Everest par l’arête nord: 1960.

La conquête chinoise par le versant nord a dû attendre 1960. Elle fut donnée comme un ordre par le président Mao, afin de montrer que la République Populaire pouvait « déplacer les montagnes ». A cette époque, le pays commençait à s’enfoncer dans la famine et dans une période de refroidissement avec l’Union soviétique. Jusque-là, Moscou fournissait l’équipement aux montagnards de Chine mais la crise entre les deux pays obligea les Chinois à chercher leur matériel ailleurs, en Suisse notamment et au prix fort…

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Mao Zedong félicitant Gonpo,  seul Tibétain dans la cordée de pointe lors de la première ascension chinoise par l’arête nord en 1960.

La première cordée chinoise qui grimpa sur le toit du monde comptait symboliquement un Tibétain : Gonpo, paysan recruté par l’armée populaire pour sa carrure et sa résistance physique. Pour le reste, l’équipe de pointe était composée d’un alpiniste, d’un scientifique et d’un cinéaste, soutenus par une caravane de 130 personnes…
Les passage-clés se résumaient à trois ressauts d’une quarantaine de mètres, à négocier en technique d’escalade à plus de 8000 mètres d’altitude. Le second ressaut aurait été franchi en chaussettes pour mieux accrocher la paroi dit la légende… « Au troisième ressaut raconte Gonpo, à plus de 8000 mètres d’altitude, nous avons failli renoncer…Le rocher était couvert de glace et personne ne parvenait à planter un piton. J’ai eu l’idée toute simple de réaliser une pyramide humaine et finalement nous avons pu passer la corde sur un bec de rocher et continuer à grimper. A neuf heures du matin heure de Pékin, le 25 mai 1960 nous étions au sommet. Nous sommes restés vingt minutes là-haut et nous avons laissé une petite statue de Mao Zedong. Je suis sûr qu’elle y est encore, mais elle doit être recouverte par une grosse épaisseur de glace et de neige. »

06-nepal-nov-06-b-225-copierPeuples des Himalayas: Moukhtina. (Ph Rochot)
Le Chinois Konbu raconte à sa manière son arrivée au sommet dans un récit revu et corrigé par les cadres du Parti : « Notre victoire est due à la direction du PC chinois et à la supériorité du système socialiste sous lequel nous, simples ouvriers, paysans et soldats, n’aurions jamais pu obtenir les moyens d’escalader le plus haut sommet du monde ».

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Famille tibétaine (Ph. Rochot)

D’autres alpinistes avaient précédé l’expédition chinoise sur l’arête nord : Mallory et Irvine en 1924. Ils n’en sont jamais revenus. Un montagnard chinois déclara en 1975 avoir découvert près du sommet le corps d’un homme qui aurait pu être celui d’Irvine, compagnon de cordée de Mallory et peut être premier alpiniste à avoir réussi l’ascension par l’arête nord. Le saura-t-on un jour ? Le corps de Mallory, découvert en 1999, n’a pas livré ses secrets. Personne n’a retrouvé celui d’Irvine, ni son célèbre appareil photo qui aurait pu raconter son ascension par l’image et faire inscrire son possible succès à l’Everest dans l’histoire de l’himalayisme, reléguant au second plan celui des Chinois et des occidentaux….

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Leçon de communisme au camp de base de l’Everest. 1970.

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Puis les premières femmes ont atteint à leur tour le sommet. En 1975, une expédition de 300 personnes comprenant 36 femmes conduisit une mère de trois enfants, Phantog sur le toit du monde alors que la Chine vivait ses dernières années de révolution culturelle.
Régulièrement les conquêtes de la Chine à l’Everest seront remises en cause par les clubs et associations de haute-montagne en occident : preuves insuffisantes, récits délirants, écrasés par la propagande.

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Paysannes du Tibet: oct. 2000. (Ph Rochot)

La dernière victoire des Chinois sur l’Everest est sans doute celle de la flamme olympique qui a parcouru sans encombre l’arête nord jusqu’au sommet, donnant un sérieux coup de pouce au tourisme dans la région. Aujourd’hui une route permet d’accéder au camp de base de l’Everest côté chinois et un bureau de poste a même été installé là, sous une tente. L’endroit a déjà attiré plus de 40 000 touristes en 2015 et augmenté gravement le risque de pollution : déchets, graffitis sur les rochers etc.

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Frontière Chine (Tibet) – Népal. (Ph Rochot)

Mais progressivement les Chinois prennent possession du toit du monde. La liaison Lhassa-Kathmandou par le train renforcera le contrôle de l’armée populaire sur la région himalayenne et le prestige de la Chine dans le monde… Rendez-vous en 2020 à la frontière entre le Tibet et le Népal…
Liens photos: Tibet.
http://www.philippe-rochot.book.fr/galeries/tibet/
http://philippe-rochot.piwigo.com/index?/category/3-tibet
Philippe Rochot

 

3 réflexions sur “Les Chinois sous l’Everest : les tunnels de l’Himalaya. Philippe Rochot

  1. IL FAUDRAIT QUE L’EUROPE AIDE D’AVANTAGE LES TIBETAINS.?APRES LE TREMBLEMENT DE TERRE L’EUROPE NA RIEN FAIT POUR LES TIBETAINS.?UN VRAS SCANDALE.?LES EUROPEENS SONT TROP INSTALLER DANS LE CONFORT DE LA ROUTINE.?VIVE LE NEPAL VIVE LES TIBETAINS…?GRAND PEUPLE FIER ET NOBLE./.????

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