Alors que l’Europe « réunifiée » s’apprête à marquer l’anniversaire de la chute du Mur de Berlin, il faudra se souvenir que des alpinistes polonais, mus par leur passion et leur désir de liberté, ont sans doute été les premiers à ouvrir le rideau de fer entre l’Occident et le bloc soviétique, pour s’échapper vers les sommets de l’Himalaya. Ils ont pour nom Jerzy kukuczka, dit Jierek, Christophe Wielicki ou Wanda Rutkiewic.
Itinéraire des Annapurnas (Ph Rochot)
Ils voulaient être « libres comme l’air ». C’est le titre du récit de Bernadette McDonald qui raconte leur histoire: un récit passionnant et précis qui rend hommage à ces hommes et femmes de Pologne qui ont rivalisé pendant deux décennies avec les meilleurs alpinistes occidentaux.
Kukuczka, fut le second himalayiste au monde à gravir les 14 sommets de plus de 8000 mètres, derrière l’Autrichien Reinhold Messner. Mais la différence est que le grimpeur polonais a voulu tracer des itinéraires nobles, s’écarter des voies normales, gravir des faces impossibles, des arêtes vertigineuses, monter ses expéditions parfois en plein hiver. Il a réalisé l’exploit en 9 ans alors que son rival a mis 17 ans. Il est mort quelques mois après avoir gravi les plus hauts sommets de la planète, dans la face sud du Lhotse, l’itinéraire extrême par excellence : rupture de corde dans ce couloir mythique de 2000 mètres de dénivelé..
Pour les Polonais des années 80, l’alpinisme était une passion qui se méritait. Ils n’avaient pas de matériel, pas de devises pour partir à l’étranger, pas d’autorisation pour quitter le pays. Ils faisaient fabriquer leurs piolets par des ferrailleurs et leurs chaussures de montagne par des cordonniers locaux. Pour réunir un peu d’argent, ils repeignaient les cheminées des usines de Katowice en effectuant des descentes en rappel sur les murs de brique, ce qui permettait aux entreprises d’état d’économiser sur les échafaudages..
Leurs expéditions vers l’Himalaya se faisaient en camion car ils n’avaient pas les moyens de s’offrir l’avion… Le voyage prenait ainsi plusieurs semaines. Ils cachaient dans leur équipement des bouteilles de vodka pour les revendre à l’étranger, notamment au Pakistan (sacrilège !) et se livraient à de multiples trafics pour financer leurs projets. Sur place, ils n’avaient pas d’argent pour payer des porteurs et transportaient eux-mêmes une bonne partie de leur matériel et de leurs provisions vers les camps d’altitude. Ces hommes étaient des forces de la nature qui allaient jusqu’au bout pour réussir leurs projets.
Le Daulaghiri durant le Tour des Annapurnas: Népal (Ph Rochot)
Car comment peut-on résister à plusieurs bivouacs successifs à plus de 8000 mètres d’altitude, parfois sans tente avec un équipement de qualité médiocre. Et pourtant ils l’ont fait. Ils avaient la foi et surtout la volonté de se sortir du système communiste grâce à la haute montagne. Les itinéraires dans les parois des Tatras à la frontière avec la Tchécoslovaquie, où tous avaient fait leur apprentissage ne leur suffisaient pas.
Les alpinistes polonaises de leur côté, avaient réussi à se tailler une place aux côtés de ces rudes montagnards. Le public occidental n’a sans doute pas en tête le nom de Wanda Rutkiewic. Cette femme a pourtant gravi huit sommets de plus de 8000 mètres dont le K2. Elle fut la troisième femme à monter sur le toit du monde: l’Everest. Elle est morte d’épuisement en 1992, au Kangchenjunga, le troisième sommet de plus de 8000 mètres, seule alors qu’elle n’était plus qu’à quelques centaines de mètres de la cime.
L’Everest, vu d’avion: novembre 2006.
Toute sa vie avait été tournée vers la conquête des sommets de l’Himalaya, avec une curieuse envie d’y finir ses jours. Elle écrivait ainsi: « Je n’ai jamais recherché la mort mais je n’ai pas peur de mourir en montagne. Après ce que j’ai vécu, la mort m’est familière. la plupart de mes amis sont là-haut en haute montagne. » Le livre de Bernadette Macdonald rend hommage à ces hommes et ces femmes d’exception, mais aussi à cette page de l’alpinisme polonais qui dit-on ne reviendra pas…
Philippe Rochot
3 octobre 2014.
Libres comme l’air ( Bernadette McDonald: Editions Nevicata)
Merci Philippe voilà de beaux humains, cela fait plaisir.
Amitiés et Bonne Année 2018 à toi et aux tiens. Dann
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Merci Dann, ça te rappellera Népal et Pakistan. Meilleurs vœux ! Philippe
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Merci et que vivent à jamais le souvenir de ces héros.
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Bonjour
Il me semble que la photo du sommet des annapurnas correspondrait plutôt au sommet du daulhaguiri situé au Mustang
Cordialément
F Courtois
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Juste merci ! Mais elle est prise durant le Tour des Annapurnas… Je vais préciser.
Cordialement Ph R
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