Tiananmen, place maudite… Philippe Rochot.

Le silence pèse une nouvelle fois sur Tiananmen. A l’approche du 25ème anniversaire de la répression de la place la plus célèbre de Chine, tout laisse penser que le parti ne reviendra pas sur sa position: nier et taire l’événement. Mais peut-on occulter l’intervention d’une armée sur une place dont la superficie égale sept fois la place de la Concorde et qui aurait fait entre six cents et trois mille morts ?

047 Chine a Pékin Tienanmen Assemblée populaire_2005 (2)

La place la mieux surveillée du monde: (Photo Ph Rochot)

Pour Xi Jinping, le N°1 chinois, comme pour Hu Jintao, la nuit du 4 juin 1989  ne doit pas exister dans l’histoire de la Chine. La place est donc une nouvelle fois quadrillée par les forces de l’ordre. On dit que sur Tiananmen, un passant sur deux est un policier en civil. Et c’est sans doute exact. Car le système est bien rôdé avec ses caméras de surveillance, ou ses cars de la sécurité aménagés en commissariats et garés à distance. Un manifestant ne peut espérer s’exprimer plus de quelques secondes avant d’être maîtrisé et interpellé.

 

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Caméras de surveillance sur la place Tiananmen: (photo Ph Rochot)

La police anti-émeute s’est livré ces derniers jours à des démonstrations de force très médiatisées. Une cinquantaine de militants pour la défense des droits de l’homme ont été éloignés de pékin pour cet anniversaire ou même incarcérés selon Amnesty International. Une dizaine d’universitaires, écrivains et avocats qui avaient organisé un mini-colloque dans un appartement de Pékin ont été interpellés.

 

1b chine Pékin tienanmen blindé 1989 (2)« Tankman »: l’homme qui fait face aux blindés sur Tiananmen et dont personne n’a retrouvé la trace.

Dans ces conditions toute commémoration, hommage aux victimes, dépôt de gerbes, recueillement est totalement exclu. La place sera muselée pour cet anniversaire tout comme la « toile »  est muselée. Le mot « 4 juin » date du massacre est censuré. Les noms de dirigeants, associés au soulèvement de Tiananmen comme Hu Yaobang, le « Gorbatchev chinois » qui avait soutenu le mouvement étudiant à ses débuts et dont le décès avait mobilisé les foules, ont été bloqués sur la toile.

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Un Tiananmen en « lego » pour échapper à la censure du net…(invention d’un internaute)

Les médias chinois ne souffleront mot du 25ème anniversaire du soulèvement de Tiananmen qui fascine pourtant le monde mais dont l’opinion chinoise est écartée. Car le discours officiel reste le même : « manifestants manipulés de l’étranger, campagne hostile des médias occidentaux, exagération autour d’une simple opération de maintien de l’ordre ». Officiellement les Chinois ne « savent pas » ou ne veulent pas savoir, ne  pas faire face à pareil événement. Même les Chinois vivant à l’étranger ont du mal à reconnaitre la nature même de la révolte et de la répression. La volonté d’occulter Tiananmen est claire.

 

Mais difficile de museler la presse et la toile. Trois mille manifestants se sont encore rassemblés cette année à Hong Kong et malgré la censure, les échos de ces marches pacifiques parviennent à Pékin.  Durant un  quart de siècle, le silence d’Etat s’est imposé mais le sens de l’histoire, la pression des familles de victime qui ont réussi à se regrouper en association poussera sans doute un jour le régime chinois à ouvrir les archives de Tiananmen et à les faire parler.

Philippe Rochot

Pékin 1er mai 2005 (10)

Un 1er mai place Tiananmen…(Photo Ph Rochot)

 

 

 

2 réflexions sur “Tiananmen, place maudite… Philippe Rochot.

  1. Philippe, bel article, toujours la même émotion et l’inquiétude, qui étreint les amoureux de la Chine, quant à la façon dont les autorités parviendront un jour à rétablir le dialogue avec la population. Pourvu que la transition soit pacifique! Une guerre civile ramènerait la planète un demi siècle en arrière.
    Cependant, politique-fiction: SI Deng avait laissé la route libre à nos sympathiques étudiants, ils auraient été confrontés à une société sans concept de la loi, sans structure multi-partites, sans expérience de la démocratie, soit un vide politique. Y aurait-il pu y avoir une alternative à ce vide hors l’anarchie, la guerre civile ou le coup d’état militaire ? Bien sûr Deng aurait pu réprimer sans tuer. Mais il a du se paniquer à la menace d’une ou plusieurs défections de l’armée. Bismarck, 1870, disait déjà que l’on peut tout faire avec des bayonnettes, excepté s’asseoir dessus. Il voulait rappeler que toute guerre n’a de solution que politique. Les armes retardent la solution, infléchissent ses conditions, mais ce n’est jamais que reculer pour mieux sauter. Ceci s’applique aujourd’hui à toute allure à la politique intérieure des régimes autoritaires. La vérité internet, la libre circulation des personnes, sont des facteurs qui accélèrent l’appel d’air démocratique. Le parti unique n’a pas d’avenir, cependant la politique actuelle est celle de l’autruche, celle du proverbe chinois qui se moque du voleur de clochettes, qui espère cacher son larcin en se bouchant les oreilles !
    Prends soin de toi
    alain B.

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