Le dernier « bouclage » d’Henri Bureau… Philippe Rochot

Henri Bureau confiait facilement à ses confrères qu’il était hanté par le cauchemar de la photo manquée.. Peu d’événements de ces dernières décennies ont pourtant échappé à son objectif et son terrain d’action couvrait tous les continents.

« Un bon reportage est d’abord un reportage qui arrive à temps. »  Henri Bureau avait à tel point intégré ce mot d’ordre que ses photos arrivaient avec lui, à son agence, avec une avance de 48 heures sur ses confrères.

Alors qu’ il n’existait ni ordinateur, ni réseau internet dans les années 70/80, le photoreporter ne pouvait compter que sur ses propres forces. Et Henri en avait. On l’a vu sur le front de la guerre Irak-Iran ou il était arrivé dans les premiers, décrocher du terrain pour rentrer à Paris au plus vite et distribuer au monde entier les premières images de ce conflit qui allait faire plus de 800.000 morts. La photo du soldat irakien regardant brûler les raffineries iraniennes restera le symbole de cette guerre.

 

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Front Irak-Iran que traversa Henri bureau dans les premiers jours de la guerre. Photo Ph Rochot.

On l’a vu encore en Israël au début de la guerre du Kippour en octobre 1973, déjouer la censure en découpant ses négatifs pour les cacher dans un paquet de cigarettes et sortir les images saisissantes de ce tankiste syrien brûlé au napalm ou de ces prisonniers syriens ligotes,  sur le front du Golan. On l’a vu enfin en Pologne au cœur du coup d’état du général Jaruzelski, en février 1980, rapporter les premières photos des blindes fonçant sur Varsovie.

Henri Bureau bouclages

« Les reporters se retrouvent partout à travers le monde, dans des fosses puant le cadavre, dans des palaces ou dans les caves de Beyrouth grouillant de rats » écrit Henri Bureau dans son livre « bouclages ». Mais c’était sans doute l’univers où il se sentait le plus à l’aise. Il avait gagné ses galons de grand reporter en planquant Brigitte Bardot ou Romy Schneider et avait su se dégager rapidement de la fonction de « paparazzi » pour faire ses premières armes dans la guerre du Vietnam au côté des plus grands. On le retrouve ainsi dans la bataille de Hue avec Don Mac Cullin comme compagnon de route, remontant les colonnes de réfugiés alors que tout le monde fuit l’avancée du Viêt-cong.

Henri Bureau guettait la bonne image mais il avait le respect des hommes et s’il partait sur les traces du général de Gaulle c’était toujours pour la bonne cause. C’est lui qui fera la photo de retour du général, parti secrètement en mai 1968 pour s’entretenir avec le général Massu sur une éventuelle intervention de l’armée. Il savait composer avec les gendarmes veillant à la sécurité du chef de l’Etat tout en rusant pour capturer l’image.

Il a eu le temps de nous laisser son témoignage dans un livre. Une nouvelle fois Henri est arrivé avant le dernier bouclage…

Philippe Rochot

 

 

 

5 réflexions sur “Le dernier « bouclage » d’Henri Bureau… Philippe Rochot

  1. Et il faisait plus que ça; quand il arrivait au labo Rue Réaumur ses peloches devaient sortir les premières et James n’était pas content, parfois.Maintenant il n’y a plus d’urgence entre eux, enfin réunis dans le calme et la sérénité des musées du photojournalisme, avec tous les autres.

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  2. En ce qui concerne la photo d’Henri Bureau prise pendant la révolution des œillets (arrestation d’un traître), il me semble qu’il a avoué il y a quelques années que la légende de l’image ne correspondait pas à la réalité : en fait, le personnage à l’imper blanc avait semble-t-il été mis en joue parce qu’il avait râlé après les soldats qui l’avaient réveillé alors qu’il dormait sur un banc. Et qu’il dormait là parce qu’il avait trop bu la veille… en fêtant la Révolution!
    Qu’en est-il exactement?

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    1. Vous pouvez demander à J M Puech, l’Oeil de la photo, il était présent prés de l’évenement cê jour là. Il vous en dira plus sur son ratage à cet instant. Quand à moi à la sortie du labo, rue Réaumur, ce matin lá, tous les vendeurs faisaient la queue pour avoir les features de Lisboa et vite voir leurs acheteurs. C’est plus tard quand Henri est rentré qu’on a eu quelques dêtails de la scéne. Mais le coup était pati et la lêgende de Monique aussi

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