Saviez vous que le jour de l’assassinat de l’archiduc François Ferdinand à Sarajevo le 28 juin 1914, événement déclencheur de la 1ère guerre mondiale, c’ était aussi le départ du Tour de France ? Cette insouciance qui régnait sur l’Europe avant qu’elle ne bascule dans un conflit qui allait faire 19 millions de morts, le réalisateur Daniel Costelle nous la montre dans une série de cinq heures sur la « grande guerre » composée de documents souvent inédits. Le « citoyen-journaliste » existait à l’époque. Côté français il s’appelait Renaud Ferrari et possédait une caméra de 28mm, baptisée « Pathé coq » avec laquelle il filmait sa famille, menacée par la percée allemande sur Paris. Côté allemand il s’appelait Frantz ou Kurt et revenait du front pour une brève permission où il faisait une démonstration de masque à gaz, filmée par son épouse.
Bataille de la Somme, soldats britanniques: 1916
Ces témoignages, Daniel Costelle et Isabelle Clarke sont allés les chercher dans 150 cinémathèques différentes. Ils ont assemblé 500 heures de rush, pour en tirer ce documentaire de cinq heures en cinq épisodes qui sera diffusé en mars prochain.
Ne leur dites pas que le film a été « colorié » mais « recolorisé ». Car ce sont bien les couleurs telles qu’elles étaient à l’époque qui ont été restituées et donnent aux séquences une deuxième vie. Les progrès du numérique, notamment en matière « d’identification lumineuse » ont fait des miracles et sauvé parfois une pellicule en état de décomposition avancée. Costelle insiste pour nous dire que les sons n’ont pas été reconstitués . Il s’agit des sons authentiques, restaurés par un collectionneur qui possède aussi bien des tirs d’obus que des explosions de grenades ou les sabots des chevaux ravitaillant le front de la Marne.
Trois historiens ont travaillé à ce documentaire qui devrait connaitre autant de succès que « Apocalypse, deuxième guerre mondiale », diffusé dans 165 pays et vu par 350 millions de téléspectateurs. Le réalisateur a même fait appel à un spécialiste du matériel d’armement pouvant décrire la fonction de chaque fusil et de chaque pièce d’artillerie : « deux jours de travail par minute de film » insiste Costelle pour nous montrer l’ampleur de la tache…
Bataille de Gallipoli: l’objectif était d’ouvrir la voie vers Constantinople
On retrouve ainsi des séquences historiques rarement montrées comme la bataille de Gallipoli pour le contrôle du détroit des Dardanelles où Français et Britanniques vont essuyer une cuisante défaite. On découvre aussi la longue marche des Arméniens vers le désert de Syrie, pour tenter de fuir le génocide ordonné par le pouvoir turc qui allait faire plus d’un million de morts.
Daniel Costelle a écrit le texte. Il aurait bien voulu le dire si sa voix n’avait pas été éprouvée par les ans. Il a donc à nouveau confié ce rôle à Mathieu Kassovitz selon le même principe : commentaire sobre et clair, citations de témoins d’époque lues par le commentateur, pas d’interviews . Le réalisateur nous prévient dès le début que certaines séquences utilisées ont été reconstituées à l’époque. On a parfois du mal à le voir sauf quand des poilus foncent vers la caméra baïonnette au canon… Le reportage su la fabrication de pareil documentaire sera aussi passionnant à suivre, mais c’est une autre histoire…
Philippe Rochot