Hollande en Algérie: entre moines de Tibhirine et otages du Mali. Philippe Rochot.

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                  A l’heure où François Hollande met le pied sur le sol algérien, l’histoire vient nous rappeler que la lumière n’a toujours pas été faite sur les circonstances de l’exécution des sept moines de Tibhirine en 1996 et sur le rôle qu’aurait pu jouer l’armée algérienne. Cette ombre qui continue de planer sur les relations entre Paris et Alger ne va pas faciliter le dialogue sur l’attitude à adopter face à une intervention militaire dans le nord du Mali. Alger s’oppose à l’envoi de troupes étrangères dans la région car elle ne veut pas se faire damer le pion par un autre pays alors qu’elle considère que le nord-Mali est dans sa zone d’influence.

                       Aucun Etat d’ailleurs n’a répondu présent pour envoyer des hommes tenir tête aux islamistes qui font régner la loi. La France ne peut faire cavalier seul. Il faut un « habillage international ». Or la Mauritanie a dit non, le Sénégal refuse, le Burkina est sceptique. Seul le Tchad semble prêt mais son président Idriss Deby n’a pas encore digéré les leçons en matière de droits de l’homme que le président français a voulu lui donner. De plus les Maliens ne souhaitent pas voir les soldats tchadiens prendre leur place au nord du pays… Ils refusent de même une intervention de l’armée du Nigéria, professionnelle, bien entraînée, disciplinée et plus efficace. Ce serait une véritable humiliation.

Opération Barkhane au Mali: photo ECPAD.                       

Aucune armée africaine ne sera pourtant à l’aise dans ce désert malien. Elle affrontera des gens parfaitement intégrés au mode de vie local, des terroristes issus des déserts algériens et liés au réseau touareg. N’oublions pas que le chef d’Aqmi, Abou Zeid qui détient les otages français, est installé dans la région depuis une quinzaine d’années. Il a ses contacts, ses points de ravitaillements pré positionnés dans le  désert, ses colonnes de pickup qui se déplacent facilement grâce à un réseau local de complicités et désorientent en quelques heures les éventuels poursuivants.

                       Lors d’une conférence à l’IHEDN, Pierre Camatte, un  humanitaire effectuant des recherches sur une plante destinée à lutter contre le paludisme et qui fut détenu trois mois par Aqmi, confie son étonnement face à l’efficacité avec laquelle se déplacent les terroristes du désert : de petits groupes de sept à huit hommes très bien équipés, avec de bons chauffeurs alliés à de bons mécaniciens, des réserves d’essences réparties sur leur zone d’action afin de ne jamais tomber en panne sèche.

                      Yves Trotignon, ancien officier de la DGSE présent à cette conférence ajoute que ces combattants trouvent également de l’aide auprès des ONG dites islamistes, financées notamment par le Qatar et bien implantées dans la région du Sahel.

Adrar des Ifoghas opération Serval. (photo ECPAD)                       

Dans ces conditions, la négociation pour la libération des otages est rendue très complexe. Le dialogue direct avec les dirigeants d’Aqmi est impossible. La France utilise ce que Yves Trotignon appelle « des intermédiaires fiables ». Le travail des négociateurs français installés dans la région est dit-il de « remonter les liens ». Par cette méthode incertaine, dangereuse, fragile, le lien n’est pas rompu avec les preneurs d’otages.

 

Philippe Rochot

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